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Du 1 au 26 mai 2022 — Galleria l'Affiche, Milan
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TRANSItional toys

Du 1 au 26 mai 2022 — Galleria l'Affiche, Milan
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JASON

A ce stade, une communication s'était établie entre nous et je demandais au père d'aller dans la salle d'attente. J'approchais la petite table; je proposais à Jason de jouer avec moi et lui expliquai le jeu du squiggle.

Il dit: «Vous ne connaissez pas de jeu où l'on marque des points?»

Le sien dont je fis un ver.

Le mien dont il fit une anguille ou un requin. Il se donna beaucoup de peine, particulièrement pour les dents, mais il continua à dire qu'il aurait voulu un jeu où l'on peut perdre ou gagner. En faisant les dents, il cassa la pointe du crayon et s'en excusa. Toutefois, une certaine méchanceté était passée dans ce dessin de dents.

Le sien dont je fis un têtard. Il ne pouvait guère l'utiliser car il ne savait rien des têtards. Il croyait que c'était des poissons et ignorait qu'ils devaient se transformer en grenouilles.

Le mien qui lui fit dire: «Je ne pourrai jamais...il faut que je le change un peu. Cela va être très difficile». Avec de grands efforts de concentration, il en fit un scarabée avec des oiseaux et un arbre.

Son squiggle, qu'il voulu transformer lui-même. Il dit: «Je sais». C'était une courbe assez bien tracée. Il en fit «deux pouces», sans expliquer comment deux pouces pouvaient être ainsi assemblés.
J'avais mon idée sur les deux pouces, mais je ne fis aucun commentaire interprétatif.

De nouveau le sien dont je fis un chien. Il dit que cela aurait dû être un canard.

Le mien. Il dit: « C'est assez facile » et il en fit rapidement ce qu'il appela un taureau.
Si l'on se réfère aux standards habituels, c'était là une représentation bien médiocre pour un garçon de 8 ans, mais je ne me laissai pas trop influencer par la qualité du dessin intervenu au milieu d'un jeu pour évaluer son intelligence. En fait, nous jouions vraiment, au lieu d'agir de propos délibéré.

HESTA

Le mien. Tout d'abord, Hesta n'y put rien découvrir, mais elle dit: « Cela prendra du temps». Elle y travailla et en fit bientôt une souris ou une souris-chien.

Le sien, qui était fait en deux temps, un mouvement circulaire et un V ajouté. J'en fis une fille. Elle criait « Au secours » (Help!), ce qui nous amena à parler des Beatles.

Le mien, dont elle fit un poisson qui sautait hors de la mer et qu'elle intitula par la suite
« Poisson dansant ».

Le sien. Elle y découvrit un visage qu'elle intitula par la suite l'« homme sinistre ».

Le sien, dont je fis un téléphone. Nous jouions tous les deux ensemble et j'avais le sentiment que nous étions à l'aise. A un certain stade, je lui dis, comme si nous n'avions pas été très sages. « Ta mère doit penser que nous sommes en train de travailler ».

Mon squiggle, dont elle fit « un joueur de rugby avec des taches de rousseur » Un peu plus tard elle ajouta l'adjectif « américain ».

Le sien. Elle savait ce qu'il représentait pour elle, mais elle voulait que je l'élabore à ma façon. Je tentais en fin de compte de dessiner son idée. C'était un bébé dinosaure. « C'est stupide ». Elle l'appela Cyril par la suite. En fait elle aimait beaucoup ce dessin et pensait que ce serait peut-être le meilleur de tous ceux que nous allions faire.

Le mien. Faisant preuve de beaucoup d'imagination, elle en fit Jack et le Haricot Géant. Par la suite elle dota Jack d'une bouche et, tout à la fin, elle revint au dessin et fit les haricots.

Le sien. C'était un squiggle à deux temps. J'en fis un garçon et une fille réunis. Elle trouva ce dessin
« excellent » et, à la fin, l'intitula « Tango ».

j'ai commencé ma série de « squiggles" à partir de gribouillis dessinés pas plusieurs personnes (sexe et âge différents).
A partir des premiers échanges je commence une expérimentation qui me conduit progressivement à prendre différentes décisions afin, de ne surtout pas « copier » le processus de Donald Winnicott, mais d'inventer une manière de m'approprier cette belle trouvaille de mise en condition d'analyse et de la détourner pour en faire une oeuvre graphique à part entière, de trouver une règle du jeu qui tire l'expérience hors du domaine de la psychanalyse et tente de la situer dans le domaine artistique, dans la mesure où l'impulsion qui fait apparaître des figures dans l'échange de gribouillis vient d'un dehors élargi (une foule) et que l'effort que je dois fournir est de rendre perceptible avec mes crayons de couleur quelque chose qui est déjà dans chaque gribouillis, mais qu'on ne voit pas encore. Quand je regarde les gribouillis que je reçois et que je plonge dans les entrelacements parfois chaotiques des lignes, je ne pense pas aux personnes qui les ont tracés, mais aux forces physiques et psychiques qui semblent les avoir impulsés. J'y réponds par la force des couleurs, lesquelles, au même titre que le liquide fait «monter » une image photosensible dans l'obscurité du laboratoire, révèlent les figures et l'espace qui les portent.
Je n'ai aucune conversations avec les auteurs des gribouillis et parfois je ne les ai même pas rencontrés car ce sont des personnes qui sont dans l'entourage de mes connaissances et auxquelles j'ai confié mon carnet de dessin pour quelques jours.
Mes lectures des livres de Winnicott me donnent à penser qu'il ne me reprocherait pas de détourner cet outil de travail pour une fin artistique. Je pense qu'à son tour, et avec son humour particulier, il serait peut-être tenté....

Pour le catalogue, je te propose de publier ce texte tiré du livre : D.W.Winnicott, la consultation thérapeutique et l'enfant, ed Gallimard, 1971

Les images viennent mentalement en le lisant.

GALLERIA L'AFFICHE
20122 Milano
www.affiche.it

 

© carmen perrin