Têtue géométrie ou la tentation d'escalader le ciel

année
2020
catégorie

Têtue géométrie ou la tentation d'escalader le ciel

année
2020
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En 1976, le peintre Jean-Pierre Schmid, dit Lermite réalise «Paysage pour un berger (II)». Un paysage constitué de lignes droites et courbes, délimitant des surfaces colorées. Les couleurs «chaudes» et «froides» sont entremêlées, comme le sont, sous les frôlements de la lumière, la superposition des plans et des angles inclinés. Aucune ligne horizontale ne vient atténuer une subtile mouvance tectonique entre une deuxième et une troisième dimension. 

De cette matrice virtuelle, comme ondulant sous la force d'une brise hiémale, j'ai tiré une «empreinte». Celle-ci, déposée sur les fils régulièrement tendus d'une texture verticale, est détachée de quelques centimètres du mur blanc. Vue de face, elle renvoie à l'oeil une image diaphane. Cependant, une légère vibration chromatique incite le visiteur à se déplacer devant l'image pour percevoir, progressivement la couleur «se lever» dans toute son intensité, s'atténuer à nouveau et réapparaître selon les points de vue et les ondulations.

L'allusion à une forme simple et répétitive du métier à tisser évoque les objets du travail manuel de paysans ou d'artisans que Lermite, acharné à capter toutes les facettes d'un même objet, qu'il s'agisse d'un outil ou un élément architectural comme certaines fenêtres d'ateliers, a cherché à retranscrire plastiquement dans leur contexte singulier. 

La polychromie, déposée par fragments sur des milliers de fils élastiques, évoque la  tension du contact entre l'oeil de l'artiste avec les forces mouvantes, proches et lointaines, « ... du paysage venu lentement à soi.», comme l'écrivent Marie-Claire et Pier-Angelo Vay, dans le catalogue raisonné LERMITE 1920-1977.

À travers le regard exigeant qu'il portait sur les éléments constitutifs du site où il avait choisi de s'installer pour vivre et élaborer son langage, Lermite, cherchait à se confronter aux éléments du paysage, comme à un champs de forces traversé principalement par des sensations «haptiques».  

On parlera d'haptique quand la vue elle-même découvrira en soi une fonction du toucher qui lui est propre, et n'appartient qu'à elle, distincte de sa fonction optique. On dira alors que le peintre peint avec ses yeux, mais seulement en tant qu'il touche avec les yeux. Gilles Deleuze Francis Bacon, Logique de la sensation, 1981 

Dans la préface, Roland Bouhéret écrit «Lermite épia jusqu'à la fin la lumière». Avec mes propres outils et depuis le début de mes recherches, moi aussi je la scrute et j'invente des sortes des pièges pour la capturer, la moduler et l'articuler avec des matériaux ou avec de  la couleur.

  • Carmen Perrin
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© carmen perrin